Rassemblement national : la faute grave de Serge et Beate Klarsfeld
En choisissant de se faire décorer le 13 octobre par Louis Aliot, maire RN de Perpignan et candidat à la présidence de ce parti, mais aussi ancien directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen, Serge et Beate Klarsfeld tournent le dos à leur combat contre l’extrême-droite et sèment la confusion.
Serge Klarsfeld aggrave encore la portée de son geste en apportant son soutien à Aliot dans la compétition interne au RN face à Jordan Bardella.
Son prestige immense et mérité favorise ainsi le discours de « normalisation » de Louis Aliot et donc de Marine Le Pen, dont le maire de Perpignan se réclame constamment et dont il promeut la candidature pour la présidentielle de 2027.
Or la cheffe du RN vient encore de démontrer à propos de la tragique affaire Lola, qu’elle n’a absolument pas changé d’orientation.
L’agitation raciste reste son principal axe de propagande, comme Serge et Beate Klarsfeld eux-mêmes l’analysaient encore récemment.
En effet, lors de l’élection présidentielle d’avril 2022 Serge et Beate Klarsfeld signaient une déclaration s’opposant frontalement à Marine Le Pen.
Cette déclaration proclamait fort justement « Non à Le Pen, fille du racisme et de l’antisémitisme» et rappelait la continuité de son parti ».
Elle se concluait ainsi : « Si elle l’emportait, elle appliquerait un programme d’exclusion, sans rapport avec les attentes sociales légitimes que nos concitoyens expriment et qu’elle prétend comprendre. Ne nous laissons pas tromper : elle n’a pas changé ! »
Serge Klarsfeld s’était également engagés dans le combat contre Eric Zemmour, à travers de nombreuses tribunes et déclarations liant la défense de Pétain à des mesures extrêmes contre les populations issues de l’immigration.
Afin de justifier son brusque tournant, Klarsfeld cherche à démontrer que Marine Le Pen, cheffe incontestée du RN, a elle aussi évolué positivement. Ainsi déclare-t-il dans un entretien avec Libération : « Marine Le Pen a pris position l’an dernier et cette année encore sur le Vél d’Hiv. J’ai dit publiquement que c’était “un pas en avant” ».
Or Marine Le Pen a au contraire déclaré lors de la campagne présidentielle de 2017 « Je pense que la France n’est pas responsable du Vél’ d’Hiv » ajoutant :
« … La France a été malmenée dans les esprits depuis des années. En réalité, on a appris à nos enfants qu’ils avaient toutes les raisons de la critiquer. Je veux qu’ils soient à nouveau fiers d’être Français. À condition que la France rompe avec le sentiment que nos dirigeants ont mis en place une politique qui vise à avantager les autres plutôt que les nôtres ».
Ainsi c’est le souvenir du nazisme et de la collaboration qui expliquerait la difficulté à faire passer l’orientation de la « préférence nationale ». Pour elle comme pour tous les dirigeants fascistes, antisémitisme, négationnisme et racisme anti-immigrés sont intimement liés.
Aliot lui-même défend fermement la « préférence nationale » qui constitue le noyau dur de l’idéologie xénophobe du RN. Quant au « Grand remplacement » il n’en rejette pas le principe mais considère dans ses déclarations à l’Opinion qu’il donne une mauvaise image de l’extrême-droite car il « inquiète plus qu’il ne rassure et entraîne inexorablement à la défaite, voire à la violence aveugle ».
On ne peut donc que condamner le blanc-seing délivré par Serge et Beate Klarsfeld à Aliot dont ils disent « il n’y a pas grand-chose à y redire du point de vue républicain. C’est courageux de sa part. »
Nous n’oublions pas que Aliot a été directeur de cabinet de Jean Marie Le Pen de janvier 1999 à septembre 2000 donc après le « détail des chambres à gaz » de 1987 et également coordinateur de la campagne présidentielle de ce dernier en 2002. D’ailleurs en août 2015, en tant que membre du comité exécutif du parti, il se prononça contre l’exclusion de Jean-Marie Le Pen du Front national. Il indiquait alors qu’il se « voyait mal » écarter celui avec qui il était « entré en politique ».
Très récemment, le 22 septembre 2022, Aliot a fait voter par le Conseil municipal la dénomination d’une esplanade de Perpignan au nom du député Front National des Pyrénées-Orientales et ancien cadre de l’OAS, organisation terroriste responsable de milliers de morts par ses attentats en métropole et dans les territoires algériens.
Les raisons du tournant de Serge et Beate Klarsfeld, lequel constitue un coup de poignard porté à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, semblent relever d’un sentiment de panique à la pensée d’une victoire future du RN lors de la prochaine élection présidentielle et face à la présence dès maintenant de 89 députés de ce parti. Serge et Beate Klarsfeld estiment dès lors nécessaire d’intervenir au sein même du RN et d’apporter un soutien explicite au protagoniste qui leur semble le moins extrémiste.
Le RAAR appelle à poursuivre le combat contre le RN et ses idées, dans la continuité du combat qu’ont mené Serge et Beate Klarsfeld, pour le jugement des responsables de la Shoah et des autres génocides, contre l’impunité des antisémites et autres racistes quels qu’ils soient, contre l’extrême-droite sous toutes ses versions, y compris celles les plus attachées à dissimuler tactiquement leur véritable nature.
Il n’a pas de pactisation possible avec une quelconque aile ou fraction du RN.
Ceux qui prétendent défendre des positions « républicaines » ne peuvent le prouver qu’en quittant ce parti, qui porte la continuité des fascistes et anciens SS qui l’ont fondé il y a 50 ans, ainsi que celle de la torture en Algérie et celle de l’antisémitisme acharné symbolisé par les chambres à gaz, « point de détail » de la 2e guerre mondiale.