Rafle du Vel’ d’Hiv’: un crime antisémite réalisé par la police française
Albert Herszkowicz pour MEMORIAL 98, 16 juillet 2025
La rafle du Vel’ d’Hiv’ est la plus vaste opération d’arrestation de Juifs pendant la Seconde guerre mondiale en Europe occidentale, pour laquelle le régime de Vichy avait mobilisé la police française.
En effet les Allemands ont ordonné la livraison de dizaines de milliers de Juifs afin de les massacrer dans les camps de la mort et ont délégué l’ensemble du travail de rafle à la police française de Vichy, commandée par René Bousquet. Celui-ci porte la responsabilité de cette rafle ainsi que de celle de Marseille mais n’a jamais été jugé. Après la guerre il fut réintégré dans les appareils financiers et politiques les plus élevés, devenant l’ami de François Mitterrand qui le recevait régulièrement, Ainsi les raflés du Vel’ d’Hiv’ n’ont rencontré aucun soldat ou policier allemand, mais uniquement ceux de la police et de la gendarmerie de Vichy.
D’autres rafles avaient précédé celle-ci, dont celle du 20 août 1941. Puis le 7 juin 1942, le port de l’étoile jaune entrait en vigueur pour les Juifs de la zone occupée et ce dès l’âge de 6 ans. Il s’agissait ainsi pour les nazis de désigner et stigmatiser la population juive.
Les 16 et 17 juillet 1942, à Paris 12884 Juifs furent arrêtés par la police française jusqu’à la fin de l’opération le 17 juillet à 13 h. Les fiches des « absents » lors de la rafle restent dans les commissariats et des équipes spéciales font des visites régulières pendant plusieurs semaines, comme l’indique l’historien Laurent Joly dans son livre L’ État contre les Juifs.Juifs ( voir ici notre entretien avec l’auteur)
Au total le nombre de raflé.e.s jusqu’au 20 juillet est de 13152.1129 hommes, 2916 femmes et 4115 enfants sont enfermés dans l’enceinte sportive du Vélodrome d’Hiver. Les conditions sont effroyables, comme en témoignent les rescapé.e.s
Les raflés du Vel d’Hiv’ prennent la route de l’extermination
A partir du Vel’ d’Hiv’, les couples sans enfants et les célibataires (1989 hommes et 3003 femmes) sont internés au camp de Drancy.Du 19 au 22 juillet, les familles du Vél’ d’Hiv’ sont quant à elles transportées dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande (Loiret) gérés par l’administration française. Adultes et adolescents sont alors déportés en premier, par quatre convois entre le 31 juillet et le 7 août 1942.
Le sort des enfants
Brutalement séparés de leurs parents, environ 3000 enfants en bas-âge sont laissés sur place dans une affreuse détresse. Les parents ont été rapidement déportés vers Auschwitz, alors que les nazis n’ont pas encore donné leur réponse quant au sort des enfants. La période durant laquelle les enfants internés dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande ont vécu séparés de leurs parents déjà déportés, est décrite par les témoins comme un des moments les plus insupportables. Âgés de 2 à 15 ans, ceux-ci restent seuls durant plusieurs semaines. Désorientés par l’absence de leurs parents et vivant dans des baraques inadaptées à la présence d’enfants, ils vivent dans des conditions d’hygiène catastrophiques. Huit d’entre eux meurent durant cette période.
Dès le 6 juillet 1942, Theodor Dannecker, gradé SS en charge de la déportation des Juifs de France , avait informé son supérieur à Berlin, Adolf Eichmann : « Le président Laval a proposé que, lors de l’évacuation des familles juives de zone non occupée (sous responsabilité du régime de Vichy) les enfants de moins de 16 ans soient emmenés aussi. Quant aux enfants juifs qui resteraient en zone occupée, la question « ne l’intéresse pas » (voir notamment Sarkozy jette aux orties la reconnaissance de la participation de la France à la Shoah, Sarkozy et le Front National: une liaison dangereuse et aussi en rapport avec le score maintenu du Front National Le Pen s’en prend aux enfants, dans la lignée de Laval ). Le 13 août 1942, les services d’Eichmann décident que les enfants doivent également être déportés: ils sont alors transférés vers Drancy et, de là, embarqués dans les convois partant pour Auschwitz entre le 17 et 31 août 1942. Aucun d’entre eux n’est revenu.
En France, 11458 enfants juifs furent déportés et massacrés. D’autres enfants furent cachés et sauvés À ce jour, Serge Klarsfeld a identifié un seul enfant de moins de 16 ans déporté en 1942 et revenu vivant.
Le tabou de la responsabilité de Vichy
La responsabilité écrasante du régime de Vichy dans les déportations des Juifs de France est restée longtemps un sujet tabou. Enfin, c’est seulement en 1995 lors de la cérémonie commémorative de la rafle du Vel’ d’Hiv en juillet que Jacques Chirac reconnut publiquement que les autorités françaises avaient accompli l’irréparable, en déclarant notamment : « Manquant à sa parole, elle (la France) livrait ses protégés à leurs bourreaux.»
Une partie de la droite a rejeté cette prise de position, soit ouvertement, soit en attaquant la « repentance » comme Sarkozy à plusieurs reprises, soit en défendant ouvertement Pétain comme Eric Zemmour, également candidat à la présidentielle de 2022. Marine Le Pen a elle aussi mis en cause la responsabilité de Vichy lors de la campagne présidentielle de 2017. Ce fut hélas aussi le cas de Jean-Luc Mélenchon, suivant en cela la ligne mensongère de son mentor Mitterrand, ami de Bousquet dont il a fait retarder le procès.
Nous rendons hommage à Pierre Arpaillange, ancien garde des Sceaux sous Mitterrand (1988-90). C’est lui qui a déclenché une procédure judiciaire contre Bousquet. Dans ce dossier, Pierre Arpaillange s’est opposé à François Mitterrand et à son ministre de la justice, Georges Kiejman, qui appliquait servilement les consignes présidentielles. Mitterrand a tout fait pour le procès de René Bousquet, qui était son ami et son allié, ne se tienne pas. Nonobstant ce blocage présidentiel, le 25 septembre 1990, Arpaillange transmit des instructions écrites au procureur général près la cour d’appel de Paris afin de requérir des poursuites contre Bousquet. Malgré cette décision courageuse, Bousquet échappa à tout jugement car il fut abattu le 8 juin 1993 par un certain Christian Didier.
Hommage aux Justes
La police et la gendarmerie française, la hiérarchie préfectorale ont donc pris une part très importante dans le fichage et la traque des Juifs, y compris des enfants .
A l’inverse, des milliers d’enfants juifs, séparés de leurs parents, ont été cachés dans des familles ou dans des institutions, notamment religieuses, souvent sous de fausses identités mais aussi moyennant une rétribution. La médaille des Justes reconnaît les personnes qui firent tout ce qu’elles purent pour soustraire des enfants, mais aussi des familles entières, aux arrestations. La France compte à ce jour 2740 “ Justes parmi les nations ”. Des milliers d’enfants ont aussi été sauvés par des associations juives, notamment l’OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants). Certains seront adoptés, d’autres grandiront dans des orphelinats, d’autres enfin gagneront la Palestine sous mandat britannique.
Hommage à des personnages qui ont montré leur humanité et leur détermination dans l’enceinte même du Vel d’Hiv. Il s’agit bien sûr des infirmières et assistantes sociales qui, telle Annette Monod-Leiris, se sont engagées dans l’aide concrète, mais aussi des pompiers du capitaine Pierret. Ils étaient une demi-douzaine de pompiers à peine, et ont réellement fait dérouler les lances, passé des heures à distribuer de l’eau, et recueilli à eux seuls des centaines de messages qu’ils sont allés poster incognito le lendemain depuis des points différents de Paris, pour ne pas éveiller les soupçons de l’administration. Il y a eu plus. Un des pompiers qui était alors en congé s’appelait Ruben. Il était juif et le capitaine Pierret a envoyé le prévenir à son domicile, en lui recommandant de ne pas se représenter à la caserne. Ce jeune pompier juif a pu fuir avec sa mère en Espagne. Pierret est aussi entré en résistance, fournissant les plans des installations militaires allemandes de Paris aux alliés.
Dans nos combats, la date du 16 et 17 juillet 1942 représentent des journées importantes, au cours desquelles nous honorons la mémoire des victimes et renouvelons notre engagement à lutter contre toutes les formes de racisme, d’antisémitisme et de négationnisme. Lors de cette journée nous rappelons aussi les autres victimes de génocides les plus récents (Srebrenica, Rohingyas, Ouïgours) ou plus anciens afin que justice leur soit rendue et pour éviter de nouveaux crimes du même type. En effet, l’impunité des auteurs de génocides et massacres représente un facteur évident de récidive et de perpétuation de ces actes criminels. C’est pourquoi, plus que jamais et en permanence, la mémoire des génocides nourrit nos combats.
Ressources:
Memorial 98 a publié sur ses deux sites de très nombreux textes :
1) en relation avec la rafle du Vel’d’Hiv
http://info-antiraciste.blogspot.com/2021/10/3-octobre-1940-petain-heros-de-zemmour.html
http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/01/zemmour-recidive-et-escalade-agissons.html
http://www.memorial98.org/article-zemmour-rehabilite-petain-pour-qui-pourquoi-124774288.html
http://www.memorial98.org/article-memoire-la-rafle-meconnue-du-20-aout-1941-82199443.html
http://www.memorial98.org/article-30-janvier-1933-le-desastre-114868033.html
http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/10/il-ya-80-ans-petain-lancait-la.html
http://www.memorial98.org/article-antisemitisme-le-double-anniversaire-du-3-octobre-58213369.html
http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/04/celine-en-vedette-propos-du-covid19-une.html
2) Génocides, négationnisme
http://info-antiraciste.blogspot.com/2021/04/genocide-des-tutsi-1994-il-faut-obtenir.html http://info-antiraciste.blogspot.com/2019/04/genocide-des-tutsi-au-rwanda-le.html (le tournant du 25e anniversaire et la contre-offensive de Védrine appuyé par d’anciens ministres socialistes)
http://info-antiraciste.blogspot.com/2020/05/genocide-des-tutsi-lorganisateur-et.html sur les génocidaires qui ont trouvé refuge en France
http://info-antiraciste.blogspot.com/2019/04/genocide-des-armeniens-un-combat.html