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Antisémitisme : le RAAR interpelle la gauche

Le RAAR et d’autres organisations ont interpelé le rappeur Médine après son « jeu de mots » sur Rachel Khan, lui demandant également de clarifier sa position sur la « quenelle » de Dieudonné, et, plus généralement, sur l’antisémitisme*.

Médine a répondu à l’université d’été d’EELV en présentant ses excuses à propos de Rachel Khan, et en affirmant son rejet de la « quenelle » et de l’antisémitisme, qu’il dit combattre au même titre que l’islamophobie. Par là-même, le rappeur réaffirme sa rupture avec la prétendue « dissidence » antisémite structurée autour d’Alain Soral et Dieudonné, dont la nocivité a longtemps été minimisée par une partie de la gauche. Nous enregistrons positivement cette prise de position.

Dans le même temps, l’extrême droite, la droite et une partie des macronistes ont profité de l’occasion pour mener contre Médine une campagne aux relents racistes et islamophobes. Nous condamnons ce déchaînement politique et médiatique, qui intervient en outre après la découverte récente d’un projet d’attentat d’extrême-droite le ciblant, ainsi que Jean-Luc Mélenchon et le CRIF.

Nous notons par ailleurs que, tandis que la droite et l’extrême droite s’acharnaient contre Médine, le PCF invitait à sa propre université d’été Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée de 1991 à 1995. Comme en témoigne le rapport officiel de la commission Duclert de 2021, cet homme politique porte, en tant qu’ancien membre de l’état-major présidentiel de François Mitterrand, une responsabilité dans le génocide des Tutsi, qui a fait un million de morts au printemps 1994. Aujourd’hui encore, Védrine participe au développement d’un discours révisionniste anti-Tutsi en propageant la thèse d’un prétendu « double génocide ». Malgré cela, sa venue à l’université d’été du PCF n’a pas provoqué de remous.

Cette différence de traitement ainsi que les attaques subies par Médine ne sauraient pour autant être assimilées aux interrogations légitimes des personnes heurtées par la violence symbolique d’une « quenelle » antisémite, ni aux demandes de clarification portées par des organisations antiracistes comme le RAAR. Ainsi, il est faux d’affirmer, comme le font certain.es dirigeant.es de la France Insoumise (LFI), que l’ensemble des interventions au sein de cette polémique faisait partie intégrante d’une vaste campagne de manipulation venant de l’extrême droite ou des droites. L’utilisation d’un tel argument n’a en réalité qu’une seule fonction : permettre aux responsables de ce parti de nier tout problème. Jean-Luc Mélenchon s’est contenté d’un « Médine n’est pas raciste », sans même prononcer le mot « antisémitisme ». Ce faisant, LFI ignore la parole du principal intéressé, qui a reconnu des « erreurs » ; elle lui confisque la réalité de ses excuses et minimise la gravité du geste de la « quenelle ».

Par ailleurs, la direction de LFI a invité à ses AMFIS le journaliste confusionniste Alexis Poulin, qui a travaillé à la fois pour Le Média et pour la chaîne de Poutine RT Russia Today ou le site d’extrême-droite Boulevard Voltaire. Au détour d’une phrase de son intervention, et sans que personne dans la salle ne réagisse, ce dernier a laissé entendre le samedi 26 août qu’il existerait une sorte de privilège juif dans les médias, une thématique pour le moins suspecte : « Il y a des gens qui ont le droit d’être racistes dans les grands médias. Antisémites non, mais racistes, oui ! ». N’attendons pas de LFI qu’elle prenne ses distances face à la petite musique antisémite qui émane de cet énoncé. La députée Sophia Chikirou, qui intervenait aux AMFIS dans la même session que Poulin, avait en effet déclaré dès l’abord : « Si Alexis Poulin avait dit des choses qui avaient déplu aux Insoumis, il ne serait sans doute pas là aujourd’hui avec nous ».

Ces épisodes montrent l’ampleur du défi que constitue pour la gauche la lutte contre l’antisémitisme, partie intégrante du combat contre les racismes. L’incapacité à déterminer et à mettre en œuvre cet engagement a permis à la droite et même à l’extrême droite d’occuper ce terrain, alors qu’elles l’utilisent avant tout pour des manœuvres politiciennes. Il est grand temps pour la gauche de sortir du confusionnisme, de prendre la mesure du danger et d’élaborer une analyse ainsi qu’une stratégie d’ensemble contre ce poison.

Le RAAR a ainsi invité tous les mouvements et partis de la gauche à se retrouver pour un débat public, plus que jamais indispensable, sur la lutte contre l’antisémitisme. Celui-aura lieu le 15 octobre prochain, au Maltais Rouge, à Paris.

Paris, le 30 août 2023

Le Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR)

* Le « jeu de mots » de Médine (« resKHANpée ») était une réponse à une insulte infamante de Rachel Khan, qui l’avait traité de « déchet ». Voir le communiqué du RAAR du 19 août 2023