Journée du souvenir des victimes de la déportation à Bobigny
29 avril 2023 : mémoire de la déportation à la gare de Bobigny, d’où partirent 22500 Juifs déportés vers les camps de la mort.
La traditionnelle journée du souvenir de tous les déportés du 29 avril verra pour la première fois la commémoration de la déportation des Juifs, sur le site de l’ancienne gare de marchandises de Bobigny (Seine Saint-Denis).
Celle-ci est devenue désormais un site mémoriel de la déportation vers le camp d’extermination de Auschwitz-Birkenau. La ville de Bobigny, avec le soutien de nombreux partenaires, au nombre desquels la SNCF et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, se sont engagées dans un projet qui a visé à faire de la gare de Bobigny un lieu d’histoire et de mémoire.
Cette gare de marchandises, ensuite lieu d’activité d’un ferrailleur, est devenue, dans un remarquable cadre restauré, un lieu de mémoire intégrant de nouveaux aménagements paysagers et scénographiques. Celui-ci devient en effet, l’un des rares lieux- témoins de la déportation à avoir gardé son état d’origine. Ce Mémorial est ouvert au public depuis le 18 janvier 2023 et sera officiellement inauguré le 18 juillet 2023 en présence de nombreuses associations et personnalités publiques, dont le Président de la République. Il s’agit de la date du 80e anniversaire du premier convoi parti de Bobigny sous l’autorité de Brunner et Eichman.
Mais quelle place ce lieu a t-il tenu dans l’histoire de la Shoah en France ?
En juin 1943, le criminel nazi Alois Brunner, adjoint d’Adolf Eichmann, jugé responsable de l’assassinat d’environ 130 000 Juifs d’Europe (dont ceux et celles de Salonique en Grèce) mais resté à jamais impuni, arrive en France. Il prend d’abord le contrôle de l’administration du camp de Drancy. Son arrivée marque un renforcement de la terreur. Il déplace les gendarmes français qui assureront désormais uniquement la surveillance extérieure et les remplace par des SS à l’intérieur. Mais surtout, il choisit la gare de Bobigny pour y former les convois de la » solution finale “. A la différence de la gare du Bourget auparavant utilisée, le trafic de voyageurs y est totalement arrêté. Cette gare lui semble plus discrète car située au milieu des champs de maraîchers, principale activité agricole à cette époque. Par ailleurs elle est presque invisible aux bombardiers alliés et se situe plus près du camp de Drancy.
De juillet 1943 à août 1944 plus de 22 500 Juifs français et étrangers partiront de ce lieu vers une mort certaine .Tous les convois, sauf un, prendront la direction d’Auschwitz – Birkenau en lien avec les services d’Eichman à Berlin .Remplis d’enfants, de femmes et d’hommes , ces wagons à bestiaux mettront cinquante-trois heures pour arriver à leur ultime destination. Très nombreux-ses sont celles et ceux qui mourront avant le terme de ces voyages génocidaires.
Pour sa part, le SS zélé Alois Brunner s’enfuit par le train depuis Bobigny le 17 août 1944 en emmenant de force 51 otages. En 1954, la justice française le condamne à mort par contumace mais ne le retrouvera jamais. Il se réfugiera dans la Syrie du dictateur Hafez El Assad dont il deviendra le conseiller. Il conseillera bien sûr, les sinistres et terrifiants services de sécurité syriens . En 1987, dans une interview accordée au Chicago Times , ce nazi de la première heure, dit qu’il ne regretterait rien . » Je n’ai aucun regret et je le referais encore « . A l’hebdomadaire allemand Bunte , il dira en octobre 1985: « je ne regrette pas d’avoir tué cette vermine « .
Le Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes ( RAAR) sera présent lors de la première commémoration dans l’ancienne gare de déportation de Bobigny, ce 29 avril à 15h .
Voici l’adresse et les moyens d’y accéder : Ancienne gare de la déportation de Bobigny, 69 -151 , Avenue Henri Barbusse Accès : Bus 151, arrêt « Gare ». Autoroute : A86, sortie : Bobigny-Drancy .Métro : Ligne 5 , arrêt Pablo Picasso , Tramway: T1 , Arrêt :Escadrille Normandie – Niémen .
Quelques rappels sur le camp de Drancy (1941-1944) et la collaboration du régime de Vichy avec les autorités nazies.
Drancy est une ville ouvrière située dans la banlieue est de Paris à quatre km seulement de la capitale. Un ensemble de constructions dénommée « Cité de la Muette » est composée de quatre étages en forme de U flanquée de cinq tours.
Inachevée lorsque la guerre éclate, elle est occupée par les troupes allemandes en juin 1940. Les lieux servent de camp d’internement pour les prisonniers de guerre et les civils étrangers. Puis la préfecture de Paris y crée le 20 août 1941 un camp destiné aux seuls Juifs . 4230 hommes juifs dont 1500 de nationalité français sont raflés à Paris entre le 20 et 25 août . Ce sont les premiers internés juifs du camp de Drancy.
Le camp est cerné d’un double rangée de barbelés. Des miradors de surveillance se dressent aux quatre coins. Placé sous la responsabilité du préfet de police, » Drancy » a initialement pour chef un commissaire de police. La surveillance est d’abord assurée à l’intérieur comme à l’extérieur par la gendarmerie. Couchés sur des planches en bois ou à même le ciment, les Juifs internés sont parqués à 50 ou 60 par chambrée après avoir été dépouillés de leurs papiers d’identité, de leur carte d’alimentation. Ils reçoivent 250 grammes de pain par jour et trois soupes sans légumes, bues dans des récipients de fortune. Les colis sont interdits. Les sorties des chambrées sont réduites à une heure par jour, les internés sont dévorés par les poux et les punaises. Pour tout acte d’ « indiscipline », les internés sont condamnés à plusieurs jours de cachot, après avoir eu la tête rasée.
Le 20 septembre 1941, la Croix rouge est enfin autorisée à installer une permanence dans le camp. Des paillasses, des couvertures, des lits superposés arrivent ensuite. Puis en décembre, certains grands malades sont transférés dans des hôpitaux parisiens. Les colis alimentaires, autorisés depuis le 1er novembre 1941, sont éventrés pour s’assurer qu’ils ne contiennent rien de « suspect », mais les gendarmes en profitent surtout pour confisquer tout ce qui peut l’être pour leur propre compte et pour alimenter le marché noir .Début juin 1942 toutes et tous les interné-es sont contraintes de porter l’étoile jaune.
L’année 1942 marque un tournant dans la mise en oeuvre de la « solution finale « . Heydrich, organisateur avec Eichman de la logistique des centres d’extermination et de la conférence de Wansee du 20 janvier 1942, qui acta de façon minutieuse les déportations, se rend à Paris le 5 mai 1942 afin d’installer le général SS Oberg comme chef de la police SS. Eichman se déplace à son tour le 30 juin.
La police française se prépare à jouer un rôle moteur dans cette entreprise.
Oberg et René Bousquet, secrétaire d’Etat à la police du régime de Vichy signent un accord officiel le 2 juillet 1942, validant la participation des forces de l’ordre françaises aux arrestations des Juifs.
Menée exclusivement par la police française , la rafle des 16 et 17 juillet 1942 dite rafle du « Vel d ‘Hiv », marque bien un tournant décisif dans la mise en oeuvre de la Shoah en France. Pour la première fois, femmes et enfants ne sont pas épargnés; 12 884 personnes dont 4051 enfants de 2 à 16 ans sont internés. 3000 d’entre eux sont séparés de leurs parents. Les autorités du régime de Vichy s’enfoncent encore plus dans l’ignominie en obtenant de Berlin qu’ils soient également déportés. Ces convois de la mort passeront par Drancy et les camps du Loiret.
Philippe Chamek