
Oui à la légitimité du combat contre l’islamophobie, non à la diffamation de l’universitaire Haoues Seniguer
Le RAAR combat l’idéologie réactionnaire, autoritaire, sexiste, homophobe et antisémite des islamismes dans leurs deux pôles distincts, celui des islamo-conservatismes légalistes et celui des djihadismes meurtriers. C’est pourquoi nous avons condamné les massacres perpétrés par le Hamas et ses alliés le 7 octobre 2023.
Le RAAR combat aussi l’islamophobie au sens de la stigmatisation des musulmans ou présumés tels, de la discrimination vis-à-vis d’eux ou d’actes violents à leur encontre.
Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences Po Lyon, partage les combats majeurs du RAAR, notamment :
. La lutte contre l’antisémitisme et contre la relativisation de la Shoah (il est signataire de la tribune « Défendre la mémoire d’Auschwitz pour les combats d’aujourd’hui » publiée sur le site du journal Libération le 19 février 2025). Il a d’ailleurs obtenu une bourse postdoctorale de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah en 2013-2014 pour étudier les stéréotypes judéophobes dans la pensée musulmane contemporaine ;
. Une critique de l’islamophobie dans les discours publics en France ;
. La critique du conspirationnisme commun à l’antisémitisme et à l’islamophobie (il a collaboré à plusieurs reprises au site Conspiracy Watch) ;
. La dénonciation des massacres perpétrés à Gaza sous la responsabilité du gouvernement israélien, après avoir condamné les massacres du 7 octobre, et en refusant toute complaisance à l’égard de l’antisémitisme (il est signataire de la tribune « Pour la Palestine, contre l’antisémitisme, intersectionnellement » parue dans Le Monde le 6 juin 2024).
En tant que spécialiste de l’islamisme en science politique, Haoues Seniguer a critiqué de manière argumentée le livre de l’anthropologue Florence Bergeaud-Blacker chargée de recherche au CNRS, Le Frérisme et ses réseaux. L’enquête (Odile Jacob, 2023). Ce livre, très controversé par les spécialistes universitaires du sujet, relèverait davantage du registre pamphlétaire, avec des amalgames, des inexactitudes et des schémas complotistes, que du travail scientifique. Sa critique participe légitimement d’un débat scientifique pluraliste.
Inversement, cet ouvrage a été bien reçu dans les milieux d’extrême droite, dont Florence Bergeaud-Blacker s’est rapprochée (elle a, par exemple, mis en cause le 1er avril 2025 sur X le caractère prétendument « disproportionné » de la condamnation de Marine Le Pen et le fait qu’elle impacterait « intentionnellement la vie démocratique »), ainsi que dans la droite radicalisée. Ce qui lui a valu des menaces de mort sur les réseaux sociaux après la publication de son livre.
Depuis le 4 février 2023, dans le sillage de cette lecture critique, Florence Bergeaud-Blacker a pris à partie à plusieurs reprises Haoues Seniguer sur X en l’associant aux Frères musulmans, au « frérisme » et/ou à « l’islamogauchisme », tout en disqualifiant sa critique de l’islamophobie (et la notion même d’islamophobie).
Or, les accusations de proximité avec le « frérisme » sont mensongères. À partir d’une première enquête de terrain sur l’islamisme marocain, Haoues Seniguer a développé des analyses critiques de l’islamisme, en tant que « conception intégrale de l’islam, c’est-à-dire un ordre normatif “total” privé et public, adossé à la puissance politique, ou au désir de l’adosser à celle-ci », reposant « sur une volonté d’uniformisation de la pensée et de l’action musulmanes », à travers « un durcissement du rapport à une religion de plus en plus absolutisée » (dans L’islamisme décrypté, L’Harmattan, 2020). Il a notamment montré que cet islamisme a favorisé « des sorties antisémites et judéophobes fort nombreuses ». Partant, il a pu, entre autres, porter au jour des alliances en France entre des personnes se situant dans le sillage des Frères musulmans et l’« antisionisme » antisémite d’extrême droite d’Alain Soral, ou critiquer, avec des arguments liés à ses propres travaux, la complaisance de certains écrits de l’islamologue et politiste François Burgat vis-à-vis de l’islamisme. Cependant il a refusé les usages extensifs du mot « islamisme », comme ceux de Florence Bergeaud-Blacker, pour qualifier des pratiques musulmanes ordinaires ou visibles dans une stigmatisation à tonalité islamophobe.
Pour le RAAR, les menaces de mort dont Florence Bergeaud-Blacker a fait l’objet sur les réseaux sociaux après la publication de son livre sont inacceptables, quels que soient les désaccords avec ses écrits et discours. Le RAAR condamne également la façon dont Haoues Seniguer est désigné à la vindicte publique en lui assignant une proximité avec l’islamisme. Ces accusations sont diffamatoires et irresponsables. Pour le RAAR, lutter dans le même temps contre l’islamisme et contre l’islamophobie participe d’un même combat pour l’émancipation. Il apporte donc à Haoues Seniguer son total soutien.