Déclaration du Centre de Londres pour l’étude de l’antisémitisme
Alertés par la visite de Corbyn dans la campagne législative française, les professeurs Philip Spencer et David Hirsh, du Centre de Londres pour l’étude de l’antisémitisme contemporain, nous ont fait parvenir ce texte :
Nous sommes consternés d’apprendre que l’ancien chef, disgracié, du parti travailliste au Royaume-Uni, Jeremy Corbyn, a été invité aux réunions de la nouvelle Union de la Gauche en France.
Corbyn a banalisé des modes de pensée antisémites dans la politique britannique. Il a employé une rhétorique antisémite, il l’a tolérée, et ses partisans se sont senti autorisés à harceler et à diaboliser les personnes qu’ils désignaient comme « sionistes ». Les personnes ainsi désignées étaient exclues de la communauté travailliste et traitées comme l’ennemi de classe. Ils étaient traités comme des racistes malhonnêtes et comme des apologistes de l’apartheid et de l’impérialisme.
Il y a eu un très large consensus parmi les juifs britanniques, et parmi les institutions de la communauté juive, pour dire que Corbyn avait adopté une politique antisémite. Les Juifs britanniques ont eu peur, à juste titre, du mouvement Corbyn et se sont opposés à lui avec une grande unité.
Le mouvement Corbyn a été un désastre pour la gauche. Il a contribué à permettre à la droite populiste de remporter le référendum sur le Brexit et il n’a pas été en mesure de construire une coalition capable d’empêcher le gouvernement Brexit de Boris Johnson d’arriver au pouvoir.
Les antisémites se présentent toujours comme les victimes des Juifs et les Pro Corbyn n’ont pas fait exception. Face aux montagnes de preuves d’antisémitisme, et alors que les exemples s’accumulaient, les Pro Corbyn ont toujours répondu par une contre-accusation agressive de conspiration sioniste. Ils ont dit que c’étaient les sionistes qui » utilisaient l’antisémitisme comme une arme « , ils ont dit que l’antisémitisme était une « diffamation », ils ont dit que c’était un mensonge inventé par Israël et propagé par les agents d’Israël en Grande-Bretagne, et au sein du parti travailliste, pour faire taire les critiques d’Israël et empêcher les gens de soutenir les droits des Palestiniens. Ils ont refusé d’examiner les preuves de l’antisémitisme ou de considérer ce que les juifs en disaient ; ils ont juste accusé toute personne soulevant la question de l’antisémitisme de parler de mauvaise foi et avec un agenda caché.
Après la deuxième défaite électorale de Corbyn et sa démission en tant que leader, le parti travailliste a commencé à guérir et à se rétablir. Il admet maintenant qu’il avait un problème d’antisémitisme et il a présenté des excuses pour son antisémitisme. La Commission pour l’égalité et les droits de l’homme (EHRC) a constaté que le parti travailliste avait harcelé illégalement des Juifs alors que Corbyn était leader. Corbyn ne comprend toujours pas ce qu’il a fait de mal. Il a répondu au rapport de l’EHRC par la contre-accusation habituelle de conspiration sioniste. Les travaillistes l’ont désormais suspendu du suspendu du groupe parlementaire travailliste au Parlement.
Nous espérons vivement que la gauche française tirera les leçons de l’expérience de la Grande-Bretagne. Nous espérons qu’elle écoutera les Juifs britanniques, la gauche anti-antisémite et les véritables antiracistes. Elle devrait également écouter les Juifs français et résister fermement à leur stigmatisation en tant qu’ennemis naturels de la gauche.
Nous espérons que la gauche française au sens large examinera le gouvernement britannique actuel et réfléchira attentivement à ce que la gauche britannique a fait pour lui permettre d’accéder au pouvoir.L’antisémitisme est intrinsèquement ignoble, il menace et met en danger les Juifs et il est symptomatique d’une politique antidémocratique. La tradition antisémite de la gauche correspond à la tradition totalitaire de la gauche ; la tradition démocratique de la gauche a toujours reconnu et combattu l’antisémitisme.
Certains peuvent trouver l’antisémitisme subtil ; ils peuvent trouver difficile de le reconnaître, de l’interpréter et d’y répondre. Mais ce type d’antisémitisme ouvre la voie à un antisémitisme plus explicite, tant politique que social, tant à gauche qu’à droite. L’antisémitisme n’est jamais anodin ou insignifiant par rapport à une autre menace, en apparence plus importante. Il fait généralement partie de cette autre menace. Lorsque l’antisémitisme est toléré, il s’aggrave.
La gauche française ne doit pas suivre les errements de Corbyn, encore moins son exemple …
Le Centre de Londres pour l’étude de l’antisémitisme contemporain (visiter le site du centre de Londres)
- Philip Spencer est professeur émérite en études sur l’Holocauste et le Génocide à l’Université de Kingston et professeur invité en politique à Birkbeck, Université de Londres.
- David Hirsh est maître de conférences en sociologie à Goldsmiths, Université de Londres.