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Soutenir les mobilisations étudiantes pour Gaza et un cessez-le-feu immédiat et permanent

Soutenir les mobilisations étudiantes pour Gaza et un cessez-le-feu immédiat et permanent, condamner le Hamas là-bas et l’antisémitisme ici.

Les récentes mobilisations étudiant·e·s en solidarité avec Gaza interpellent sur plusieurs plans une association antiraciste comme le RAAR.

Solidarité, d’abord, avec les étudiant·e·s réprimé·e·s

L’intervention de la police sur les campus de Sciences Po, de la Sorbonne à Paris ou de Sciences Po Lyon pour y déloger des étudiant·e·s constitue une atteinte grave à la liberté d’expression, un droit fondamental dans toute démocratie. En occupant pacifiquement les lieux, ces étudiant·e·s ne faisaient que protester contre les massacres de Palestinien·ne·s perpétrés à Gaza par l’armée israélienne. Se sont exprimés là un sentiment de commune humanité face à la situation humanitaire catastrophique de Gaza et aux crimes de masse qui y sont commis et une solidarité internationaliste qui devraient faire honneur à une démocratie ouverte sur le monde, dont les institutions universitaires constituent un pilier.

On peut mesurer l’érosion significative des libertés publiques depuis une quarantaine d’années. Afficher des banderoles propalestiniennes sur la façade ou dans l’enceinte d’une université, porter un keffieh, afficher un drapeau palestinien ou scander des slogans en soutien à Gaza constitueraient des actes tellement insupportables qu’il faudrait les bannir par le biais de la force publique. Or, c’est plutôt l’intervention de la police dans les universités pour interdire des manifestations politiques d’étudiant·e·s qui constitue un réflexe illibéral en contradiction avec les principes de notre démocratie. Car la liberté d’expression est garantie par l’article 19 de la Déclaration universelles des droits de l’homme. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (un texte inclus dans le préambule de l’actuelle Constitution française) affirme que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Le premier mouvement du RAAR, en tant qu’association démocratique et antiraciste, est donc d’exprimer sa solidarité avec les étudiant·e·s réprimé·e·s et de condamner la dérive répressive gouvernementale.

Pour un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, pour la reconnaissance d’un État palestinien

Au-delà de la solidarité avec le mouvement étudiant, le RAAR s’inscrit dans les mobilisations pour un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, pour le retrait israélien des territoires occupés depuis 1967 et pour la reconnaissance d’un État palestinien. Le massacre de dizaine de milliers de civil·e·s palestinien·ne·s à Gaza, la destruction du système de santé, la famine, les meurtres de Palestinien·ne·s en Cisjordanie sont inacceptables car contraires aux principes du droit international. L’ensemble des États et des institutions qui se réclament de la démocratie devraient les condamner, faire pression sur le gouvernement israélien et à minima refuser de lui fournir des armes.

Un boycott des universités israéliennes ?

Faut-il pour autant organiser un boycott des universités israéliennes et rompre les partenariats avec elles comme le réclament souvent le mouvement étudiant ? Nous pensons que le boycott peut constituer une arme pacifique utile face des formes d’oppression ou une urgence humanitaire, mais à condition de cibler des objectifs précis. Les universités israéliennes constituent, comme les universités dans d’autres pays démocratiques, des lieux d’apprentissage de l’esprit critique et de l’ouverture internationale. Les forces critiques qui existent dans la société israélienne s’y expriment tout particulièrement, parmi les enseignant·e·s-chercheurs·ses comme les étudiant·e·s. Un mot d’ordre généralisé de boycott des universités et d’abandon des partenariats ne pourrait qu’isoler un peu plus et affaiblir sur place les courants critiques qui s’y manifestent au profit des forces conservatrices, voire d’extrême droite. Le RAAR y est défavorable. Par contre, le boycott ciblé de départements universitaires qui seraient directement impliqués dans la colonisation en Cisjordanie ou dans les opérations militaires à Gaza serait tout à fait légitime. La solidarité avec les Palestinien·ne·s ne doit pas se transformer en haine des Israélien·ne·s. La solidarité internationaliste avec les forces émancipatrices palestiniennes et israéliennes devrait être la priorité sur ce plan. Et les universités françaises devraient valoriser les dialogues entre Palestinien·ne·s et Israélien·ne·s progressistes plutôt que d’essentialiser négativement les seconds. Il ne faut pas confondre ici la lutte contre un gouvernement et la haine contre une population.

Ne pas oublier les massacres antisémites du 7 octobre et être fermes ici vis-à-vis des dérapages antisémites minoritaires

L’extrême droite, Les Républicains, les Macronistes ainsi que des partisans inconditionnels du gouvernement israélien ont stigmatisé indûment les mobilisations en cours, les présentant comme globalement « antisémites ». Ces critiques ont reçu un fort écho dans les médias conservateurs et d’extrême droite. Or, se battre pour un cessez-le-feu à Gaza est légitime et n’a rien à voir en soi avec l’antisémitisme. Prétendre l’inverse, c’est affaiblir la lutte contre l’antisémitisme, en contribuant à discréditer la notion par des usages étendus et erronés, et cela, au profit d’étroits motifs politiciens.

Cependant les mobilisations étudiantes ont été accompagnées de réels dérapages antisémites minoritaires (une enquête interne est, par exemple, en cours à Sciences Po Paris, sur des paroles et des actes antisémites), d’intimidations (comme celles subies le 22 mai par des membres du collectif Golem à l’Université de Lille), de mots d’ordre (comme le slogan « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », qui impliquerait la disparition de l’État d’Israël) et de symboles (comme les « mains rouges », susceptible de renvoyer au lynchage et à la mise à mort de deux soldats israéliens le 12 octobre 2000 à Ramallah) dotés d’une portée antisémite, ou encore d’ambiguïtés autour des appellations polysémiques comme « antisioniste » et « sioniste ». Nous condamnons ces faits, qui sont inacceptables au sein de mouvements émancipateurs, et nous demandons aux mobilisations étudiant.e.s de clairement s’en désolidariser.

Nous rappelons qu’historiquement le sionisme est une réalité compliquée : à la fois revendication d’une émancipation nationale face à la violence de l’antisémitisme européen et pratique coloniale spoliant le peuple palestinien. La réduction de cette réalité à la seule logique coloniale est contraire à une vision intersectionnelle du monde, apte à prendre en compte la pluralité des oppressions et des violences qui se croisent dans la réalité, dont l’antisémitisme ne doit pas être exclu. L’hypostase de la seule logique coloniale et l’exclusion de l’antisémitisme, là-bas et ici, de l’intersectionnalité, constitue un risque aujourd’hui au sein des mouvements pour l’émancipation.

Par ailleurs, une certaine indifférence vis-à-vis des crimes antisémites perpétrés par le Hamas le 7 octobre a pu être observée dans les mobilisations étudiantes. Nous rappelons que le Hamas n’est pas une composante ordinaire de la résistance palestinienne, mais qu’il constitue une organisation islamo-conservatrice totalitaire, sexiste, homophobe et antisémite. Le RAAR combat toute complaisance à son égard.

Le combat contre tous les racismes et contre toutes les oppressions ne doit pas laisser à la porte la lutte contre l’antisémitisme.

Solidarité avec les étudiant·e·s mobilisé·e·s pour Gaza ! Solidarité avec la population de Gaza massacrée ! Non à la complaisance à l’égard du Hamas ! Tolérance zéro pour l’antisémitisme dans les universités !

Paris, le 23 mai 2024,

Le Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes